Daniel Raffard de Brienne - Page 7
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Reconquête n° 272 est paru
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Pour sauver les retraites, accueillir la vie
Les manifestations de rue se multiplient pour sauver le système français, moribond, de retraite par répartition. Or, la réalité, occultée par l'Établissement politico-médiatique, est que ce sont les enfants d'aujourd'hui qui paieront les retraites de demain. Face à ce fait, arpenter le pavé parisien pour protester contre le report, sélectif, de l'âge légal de départ à la retraite est aussi utile qu'un cataplasme sur une jambe de bois.
En revanche, demander au Ciel que cesse l'assassinat des enfants à naître est d'une urgente actualité spirituelle, politique et sociale. L'avortement est d'abord un crime contre Dieu –Créateur de toute chose–, il est ensuite, de manière évidente, un crime contre l'enfant conçu, il apparaît enfin, de plus en plus, comme un crime contre l'avenir de la nation.
La seule manifestation utile, le 16 samedi octobre prochain pour la défense des retraites, est la Marche de prière pour la Vie organisée par Renaissance Catholique depuis la basilique de Notre-Dame des Victoires jusqu'à celle du Sacré-Cœur de Montmartre. Comme l'écrivait le cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux, le 19 février 2010 : « Il faut donner leur juste place à ces marches pour la Vie. (…) Nos consciences ont besoin d'être réveillées. Je pense que les différentes marches pour la Vie ont cette fonction. »
Cette Marche de prière publique et de réparation constituera pour tous une excellente préparation aux prières pour la Vie demandées par le pape Benoît XVI, à tous les évêques du monde entier, à l'occasion de l'ouverture de la nouvelle année liturgique le 27 novembre prochain. À propos de cette démarche Mgr Burke, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, n'hésitait pas à déclarer, il y a tout juste une semaine, lors du 5e Congrès mondial de prière pour la Vie, organisé à Rome par l'association Human life international : « C'est un événement très important. Sans précédent dans l'histoire de l'Église. C'est la chose la plus importante et la plus urgente que l'on puisse faire actuellement pour la vie ! Il faut la faire, il faut prier pour la vie, en répondant à l'appel du Pape. »
Esprit de la marche
Ouverte à tous ceux qui œuvrent pour le respect de la vie et de la dignité de la personne, elle est avant tout une marche de prière. Elle s'effectue à un rythme permettant aux enfants d'y participer (5 km). Un cierge et un livret avec prières et chants sont proposés sur place (participation souhaitée de 4 €). Assistance de l'Ordre de Malte tout au long de la marche.
Infos pratiques
Rendez-vous à 17 h 45 devant la basilique Notre-Dame-des-Victoires, place des Petits-Pères, Paris 2e (M° Bourse) pour la cérémonie de départ. La Marche se termine par un Salut du Saint-Sacrement célébré à 20 h au Sacré-Cœur de Montmartre (M° Anvers).
Nous vous remercions de participer aux importants frais d'organisation (dès 15 €, reçu fiscal possible ; à demander). Chèque à l'ordre de Renaissance Catholique.
Renaissance Catholique 89, rue Pierre-Brossolette 92130 Issy-les-MoulineauxTél. 01 46 62 97 04 - Fax : 01 46 62 95 19 - interro_liens_callback
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L'agenda Benoît XVI 2011 est disponible
Après le succès de l'Agenda Benoît XVI 2010, voici d'ores et déjà, en coédition avec les éditions de l'Oeuvre, l'agenda Benoît XVI 2011.
Centré sur le thème de la Vie, de la Civilisation de l'Amour, il apporte un nouveau témoignage et un nouvel éclairage sur la nécessité de suivre le saint Père dans ce combat fondamental pour la Vie.
Renouvelant le partenariat de 2010 avec la Fondation Lejeune, les éditions TerraMare reverseront un euro à la Fondation pour chaque Agenda Benoît XVI 2011 vendu.
Avec une préface exceptionnelle de Son Eminence le Cardinal Philippe Barbarin :
Dans l’encyclique Caritas in Veritate publiée en 2009 et consacrée au « développement humain intégral dans la charité et la vérité », le Pape Benoît XVI écrivait : « Un des aspects les plus évidents du développement contemporain est l’importance du thème du respect de la vie, qui ne peut en aucun cas être disjoint des questions relatives au développement des peuples. » En parcourant les pages de cet Agenda pour l’année 2011, chacun pourra s’imprégner des nombreuses réflexions du Saint Père qui nous sont rapportées à propos de la vie. Puissent-elles soutenir nos engagements et nourrir notre prière. On me permettra de conclure sur ce thème en citant Saint Irénée, le deuxième Evêque de Lyon : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu ».
Sommaire
Préface de Son Éminence Philippe Cardinal Barbarin
Janvier 2011 : : Habemus Papam !
Février 2011 : La civilisation de l’Amour
Mars 2011 : Mater Misericordiae
Avril 2011 : Le miracle de la Vie
Mai 2011 : La lumière du monde
Juin 2011 : La vocation, don d’amour
Juillet 2011 : Du sacrement de mariage
Août 2011 : De la fidélité
Septembre 2011 : Heureux les pauvres
Octobre 2011 : Bioéthique et dignité
Novembre 2011 : Vous deviendrez des Saints
Décembre 2011 : Sainte Famille
Béatifications et Canonisations
Direction éditoriale : Grégoire Boucher
Editeurs : TerraMare et les éditions de l'Oeuvre
Date de parution : Septembre 2010
Nombre de pages : 176 pages
Format : 17 cm par 25 cmPour commander l'agenda, cliquer sur l'image de couverture
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L'Europe de Saint Benoît
Il s’agit d’un petit livre. pas plus d’une petite centaine de pages ! Rédigé par bonds successifs au VIe siècle, il n’a cessé depuis lors, petite graine modeste, de faire naître des milliers d’institutions réparties à travers le monde. De forts volumes de commentaires qui lui sont consacrés habitent les bibliothèques. Certains sont aujourd’hui bien oubliés alors qu’il continue, lui, son étonnant parcours. Seule la Bible peut avancer un palmarès plus large et plus fécond. Lui-même d’ailleurs s’abrite avec reconnaissance sous l’aile protectrice de ce grand ancien. N’empêche ! L’Europe d’aujourd’hui, la France de notre temps, prise entre le souvenir de son passé et le tumulte de son présent, seraient-elles ce qu’elles sont sans les quelques pages de cet ouvrage d’une discrétion à nulle autre pareille ? Il faut répondre résolument : non. D’une certaine manière, au commencement était la règle !
L’abbaye bénédictine de Solesmes fête son millénaire, tandis que Cluny, son ancienne maison mère qui rayonna sur tout l’Occident médiéval et aujourd’hui transformée en centre culturel, célèbre son onze centième anniversaire. Mais le monachisme occidental est beaucoup plus ancien. Il remonte à saint Benoît de Nursie, fondateur, en 529, du monastère du Mont-Cassin, en Italie, et rédacteur de la règle qui devait régir, après lui, les établissements monastiques de la chrétienté européenne, puis au-delà. Héritier de la culture gréco-latine, ayant opéré la synthèse entre Athènes, Rome et Jérusalem, ayant recueilli ce qui, dans l’ancien paganisme, était resté conforme aux lois éternelles de la nature, et dans celle-ci, de la nature humaine, l’enrichissant de sa propre expérience, le monachisme bénédictin contribua puissamment à façonner le visage de l’Europe. De manière à ce que, selon le mot de Gustave Thibon, « le temporel [soit] sans cesse irrigué par l’éternel ». Aujourd’hui incompris, bien que généralement considéré avec sympathie, il maintient la flamme face à une postmodernité gouvernée par les seules valeurs marchandes. Et n’a peut-être pas dit son dernier mot.Depuis des siècles, des hommes se sont mis ainsi à l’écoute et à l’école de saint Benoît de Nursie : « Ecoute, ô mon fils, les préceptes du maître et prête l’oreille de ton coeur. » Dès les premiers mots, la Règle de saint Benoît s’appuie sur le dynamisme de l’héritage moral et spirituel, ce que le langage chrétien appelle la piété naturelle. Il faut apprendre et recevoir des Anciens avant que de prétendre s’imposer au monde. Aucune société antique, païenne ou chrétienne, ne fut d’ailleurs bâtie sur une autre vision. Une tournure d’esprit radicalement antimoderne, aux antipodes des conceptions politiques actuelles ou du pédagogisme ambiant. Mais saint Benoît n’entendait pas révolutionner le monde. Au contraire ! Fils d’une bonne famille de la société romaine, il s’en était résolument écarté, décidé à vivre seul avec Dieu. Sa renommée fut telle que le monde le rattrapa pour le porter, presque contre son gré, à la tête d’une communauté religieuse. Son dessein resta pourtant modeste. Il s’agissait de fonder une école « où l’on apprenne le service du Seigneur ». Il posa des fondements aussi simples que son ambition : priorité à la prière, place au travail manuel, humilité et obéissance vécue dans une ambiance familiale où l’abbé tient lieu de père.
Et pourtant ! Des quelques principes transcrits sans apprêt dans la Règle de saint Benoît ont éclos ces monastères et ces abbayes qui ont recouvert l’Europe comme un champ de pâquerettes un matin de printemps. La carte du XIIe siècle, qui indiquerait l’emplacement de ces lieux de prière, grands ou petits, des chemins qui les relient comme un vaste réseau sanguin à l’échelle d’un continent, serait littéralement à couper le souffle. Dom Gérard Calvet qui, à la fin du XXe siècle, sera le fondateur, dans l’ancien Comtat Venaissin, de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, sortie tout droit de la terre dans la fidélité aux traditions monastiques et liturgiques, écrira pourtant : « Les moines ont fait l’Europe, mais ils ne l’ont pas fait exprès. Leur aventure est d’abord, sinon exclusivement, une aventure intérieure. »
Non, les moines ne pensèrent pas un seul instant à construire l’Europe. Ils cherchèrent avant tout le royaume de Dieu, mais, par osmose, ils firent naître des moeurs et une culture chrétienne qui, s’inspirant de la règle bénédictine, eurent les mêmes implications d’un bout à l’autre du continent. De ces ateliers où l’on apprenait les vertus communautaires, la paix et l’humilité en même temps que l’amour du travail bien fait, et autour desquels se regroupèrent les laïcs de ce temps, naquit en fait la chrétienté. Le philosophe Gustave Thibon dira de celle-ci qu’elle est « non seulement l’ensemble des peuples où prédomine le christianisme comme l’indique le dictionnaire, mais un tissu social où la religion pénètre jusque dans les derniers replis de la vie temporelle (moeurs, usages, jeux et travaux), une civilisation où le temporel est sans cesse irrigué par l’éternel ». Dans un langage encore plus imagé, Charles Péguy la définira autrement en écrivant que « le spirituel est constamment couché dans le lit de camp du temporel ».
Il faut apprendre et recevoir des Anciens avant que de prétendre s’imposer au monde
Fruit de ces épousailles fécondes : on estime qu’avant l’ouverture du concile de Constance, en 1415, pas moins de 15 070 abbayes existaient en Europe. En raison de son équilibre, qui évitait les exagérations ascétiques de l’Orient chrétien, et harmonisait la vie de prière et celle du travail, la règle de saint Benoît se répandit très vite en Occident. Le fils de Charlemagne, l’empereur Louis le Pieux, lui donna un coup de pouce en l’imposant à tous les centres spirituels de son empire. L’effet à long terme de ce quasi-monopole bénédictin ? Le cardinal Ratzinger l’a expliqué dans un livre paru avant son élection comme pape sous le nom de… Benoît, et intitulé, précisément, l’Europe de Benoît : « Le monachisme est resté le garant essentiel non seulement de la continuité culturelle, mais encore et surtout des valeurs religieuses et morales fondamentales, des orientations pour la destinée ultime de l’homme ; en tant que force prépolitique et supra politique, le monachisme est devenu source des renaissances nécessaires, qu’il faut sans cesse renouveler. »
A l’époque médiévale, l’un des fleurons de cet éparpillement monastique fut sans aucun doute Cluny, fondé voici 1100 ans et dont le souvenir, inscrit dans la mémoire des moines et des érudits, est célébré cette année. En 910, en effet, Guillaume Ier, duc d’Aquitaine et comte de Mâcon, fit don à l’abbé Bernon, moine de Saint- Martin d’Autun, d’une villa franque qui devait devenir l’un des plus hauts lieux de la chrétienté. Outre le strict respect de la Règle de saint Benoît, la charte de fondation de l’abbaye stipulait que celle-ci ne dépendrait d’aucun seigneur laïc, ni même d’aucun évêque, mais directement du pape. Par une entorse aux coutumes monastiques, Bernon assura la pérennité de son oeuvre : à l’élection habituelle de l’abbé, il préféra choisir son successeur en la personne d’Odon (927-942), qui institua la lignée des quatre grands abbés de Cluny qui se succédèrent à la tête de l’abbaye durant deux siècles. Si l’on excepte le court abbatiat d’Aymard (942-954), les grandes figures de Cluny furent saint Mayeul (954- 994), saint Odilon de Mercoeur (994-1049), saint Hugues de Semur (1049-1109) et le bienheureux Pierre le Vénérable (1122-1156).
Hugues, cependant, mit fin à la cooptation et revint à l’élection de l’abbé. Ce ne fut pas une réussite. Son successeur immédiat, Ponce de Melgueil (1109- 1122), eut maille à partir avec l’autorité pontificale, démissionna, puis tenta de s’emparer par la force de l’abbaye. L’abbatiat du futur Pierre le Vénérable fut plus calme. Il marque pourtant la fin des grands abbés clunisiens. A son apogée, cette vaste famille monastique comptera 10000 moines vivant sous la Regula monachorum et répartis dans 1200 lieux de prière. Aujourd’hui encore, cette histoire religieuse et sociale dépasse de très loin les seules frontières visibles de l’Eglise.
Si le prestige de Cluny découle de sa fidélité à la règle, elle s’incarna également par un immense rayonnement culturel. Sa bibliothèque rassemblait aussi bien des ouvrages patristiques que ceux des auteurs carolingiens, des livres de médecine aussi bien que de musique. L’étude y était aussi à l’honneur, en philosophie et théologie, bien sûr, mais également en droit, illustrant ce lien étroit entre l’art des lettres et la tension eschatologique comme l’a montré ce grand savant bénédictin que fut dom Jean Leclercq dans l’Amour des lettres et le désir de Dieu.
Mais Cluny rayonna encore par l’architecture de son abbatiale, qui connaîtra pas moins de trois phases de constructions et d’agrandissements avant de devenir le plus grand édifice religieux de son époque. Paradoxalement, ce fut aussi l’une des causes de son déclin. Pour y faire face, il avait fallu s’endetter. L’odieux système de la commende (commenda en latin) – développée surtout à partir du XVe siècle, celle-ci consistait à confier l’administration des abbayes à des clercs séculiers ou à des laïcs qui n’étaient pas soumis à la règle –, la Réforme protestante et les guerres de Religion, enfin la Révolution française, ajoutèrent chacun les coups nécessaires à l’effritement puis à l’effondrement du centre clunisien.
Un lien étroit, illustré par Cluny, entre l’art des lettres et la tension eschatologique
Après le déchaînement des passions révolutionnaires qui entraîna la mise au ban de l’Eglise catholique et la disparition des ordres religieux, il faudra attendre 1833 pour voir renaître le monachisme bénédictin. Un jeune prêtre du diocèse du Mans, acquis aux idées ultramontaines contre le gallicanisme, s’enflamma aussi pour l’idéal bénédictin. Il convainquit quelques prêtres amis et racheta un ancien prieuré sur les bords de la Sarthe dont les pierres étaient vendues sans égard aucun pour la richesse architecturale de l’édifice. Ainsi, sous la houlette de dom Prosper Guéranger, reprirent l’aventure bénédictine de Solesmes et les retrouvailles de la France avec la règle de saint Benoît.
En fait, le restaurateur de l’ordre bénédictin renouait avec une histoire aujourd’hui millénaire et que ses fils actuels célèbrent à travers une année jubilaire jusqu’en octobre. C’est en 1010, en effet, qu’un prieuré dépendant de l’abbaye Saint-Pierre de la Couture, au Mans, fut fondé dans le petit hameau de Solesmes. Beaucoup plus modestement que Cluny, il connut à son tour des heures de gloire et de décadence, avant de sombrer sous les coups de boutoir de la Révolution.
Le Solesmes de dom Guéranger fut certes plus modeste que Cluny. Par décision du siège apostolique, il en fut pourtant constitué l’héritier spirituel. Mais le combat du premier abbé de Solesmes en faveur de la liturgie romaine – un combat de plume, mais viril au point qu’on le surnomma « dom Guerroyer » –, et un patient travail sur le chant grégorien, firent de l’abbaye sarthoise un centre mondialement connu. Du vivant même de dom Guéranger, les écrivains les plus illustres vinrent à Solesmes – entre autres, Louis Veuillot et, surtout, Huysmans – et, plus tard, une non-chrétienne comme Simone Weil y suivra la semaine sainte de 1938.
A son tour, Solesmes essaima, en France d’abord, puis à l’étranger. Nouveau paradoxe, les querelles du laïcisme du début du XXe siècle l’y aidèrent fortement. Refusant les diktats de la République française, les moines de la famille solesmienne, conduits par dom Paul Delatte, un abbé doté d’une riche personnalité, préférèrent l’exil à l’abdication de leurs droits. La République finit par se lasser et autorisa les moines à retrouver le sol national. Ils revinrent, non sans laisser, dans le reste de l’Europe, des foyers bénédictins qui perdurent encore aujourd’hui.
Qu’eût été l’Europe sans le monachisme unifié par la règle bénédictine ? Quand l’Empire romain s’écroula, les monastères héritèrent de la tradition de sa culture. « La tradition latine, souligne le grand médiéviste britannique Christopher Dawson (1889-1970), se perpétua dans l’Eglise et les monastères, et comme les barbares eux-mêmes avaient adopté le christianisme, elle ne resta pas le patrimoine exclusif de la population conquise, mais exerça une influence prépondérante sur l’ordre nouveau. »
Que faisaient-ils donc, ces moines ? Ils priaient, s’instruisaient, développaient un art de vivre en commun qui rejaillit sur le reste de la société quand celle-ci émergea des ténèbres du chaos. Et ils cultivaient la terre ! On aurait tort de réduire cet aspect à une simple nécessité du moment. Par ce biais, les moines gardèrent le contact avec la création et avec ses lois. Ils furent à même ainsi de recueillir le meilleur du paganisme, ce qui en lui était resté conforme aux lois éternelles de la nature, et dans celle-ci, de la nature humaine. Opérant une synthèse entre ce que l’écrivain Jean-Marie Paupert – disparu le 25 juin dernier – baptisa les « mères patries » (Athènes, Rome et Jérusalem), le christianisme monastique transmit une culture et une manière de vivre non sans l’enrichir de sa propre expérience. Par cercles concentriques, autour du monastère s’établit la paix, cette tranquillitas ordinis qui, selon Augustin le Berbère, est sa véritable définition. C’est ainsi qu’ils contribuèrent à leur place, petite minorité de départ, à façonner l’esprit de l’Europe.
On retrouve cette idée de minorité aujourd’hui quand le cardinal Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI, appelait les chrétiens à jouer un rôle dans la construction européenne. « Les chrétiens croyants, écrivait-il, devraient se considérer comme constituant une telle minorité active, et contribuer ainsi à ce que l’Europe retrouve le meilleur de son héritage, et se mette ainsi au service de l’humanité entière. »
A quoi servent les moines aujourd’hui ? A rien, répondait récemment en substance dom Philippe Dupont, l’abbé de Solesmes, à la question d’un journaliste. Un bel éloge de la gratuité dans un univers aujourd’hui entièrement colonisé par le marché, et où tout est appréhendé en fonction d’une valeur marchande. Une réponse qui peut être complétée par les propos de Saint-Exupéry dans sa fameuse Lettre au général X : « Ah général, il n’y a qu’un problème, un seul, de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle. Des inquiétudes spirituelles. Faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. Si j’avais la foi, il est bien certain que, passée cette époque de “job nécessaire et ingrat”, je ne supporterais plus que Solesmes. On ne peut plus vivre de Frigidaires, de politique, de belote et de mots croisés. » Voilà, peut-être, ce que le monachisme bénédictin peut apporter aujourd’hui encore à une Europe qui a tourné le dos à son héritage spirituel et moral.
A lire L’Europe de Benoît. Dans la crise des cultures de Joseph Ratzinger, éditions Parole et Silence (2007), 104 pages, 12 € ; Cluny 910-2010 : onze siècles de rayonnement ouvrage collectif, éditions du Patrimoine, 487 pages, 79 €.
Source : Le Spectacle du Monde
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20e Marche de prière pour la Vie à Paris
Samedi 16 octobre 2010
20e Marche de prière pour la Vie à Paris
de la basilique Notre-Dame-des-Victoires au Sacré-Cœur-de-Montmartre.
Samedi 16 octobre 2010
Rendez-vous à 17h45, place des Petits-Pères, Paris 2e. M° Bourse
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40èmes Journées Chouannes
Pour en savoir plus, cliquer sur l'image
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Lecture critique de "Vérités sur le Saint-Suaire"
Gérard Lucotte revisite de fond en comble le Linceul de Turin
Lessives, sang d’animal et photographie…
Je viens de lire – avec indignation – le dernier livre de Gérard Lucotte, scientifique de haut vol (au point de sembler être spécialiste à peu près en tout), sur le Linceul de Turin.Vérités sur le Saint-Suaire, tout juste publié par l’Atelier Fol’Fer, présente des Etudes scientifiques récentes sur le Linceul de Turin. Loin d’être une présentation de tout ce que cette insigne relique a révélé lors de multiples études de toutes sortes, il s’agit de découvertes annoncées par l’auteur à partir de l’observation, au microscope électronique, d’échantillons obtenus par des voies détournées et sans possibilité de contrôle auprès de personnes y ayant eu accès jadis ou naguère. C’est un premier point, que d’ailleurs revendique l’auteur qui signale l’arrêt officiel de toute recherche sur le Linceul depuis 2002, le Centre de sindonologie de Turin ne communiquant plus aucun fragment ou échantillon à soumettre à l’analyse. Les autorités ecclésiastiques chargées de la garde du Linceul, qui viennent d’organiser une ostension qui a attiré des millions de fidèles, n’ont agréé Lucotte d’aucune façon.
Les assertions de Gérard Lucotte sont telles que je veux en parler tout de suite. D’autant qu’elles avaient été précédées par ses écrits et ses déclarations sur la Sainte Tunique d’Argenteuil en 2007 qui me semblaient franchement insupportables : cette relique-là révèle, selon le chercheur, que l’homme de la Tunique était affecté d’une maladie génétique, qu’il avait des « morpions » et qu’il était « opiomane » – et je ne parle pas ici de déclarations privées plus scabreuses que l’on m’a rapportées de diverses sources.
Donc : voici des « découvertes » de Lucotte sur le Linceul. Elles portent sur des fibres de lin, des pollens et autres poussières et matières organiques ou non recueillies par exemple sur le filtre d’un aspirateur utilisé pour nettoyer le Linceul, tous matériaux obtenus « par la bande » et dont l’authenticité n’a d’autre assise que la foi accordée par le lecteur à l’auteur.
Je dis bien le lecteur lambda, au rang desquels je me situe. Dans la foule d’affirmations et d’explications extrêmement détaillées sur une masse de sujets d’étude forts différents, traités de manière apparemment très objective (mais j’ai retrouvé, lors d’un « carottage », au moins une page pompée directement sur le très incertain « wikipedia »), l’acheteur ordinaire du livre ne saura faire un tri avisé. Peut-être ces descriptions générales du rouissage du lin à l’obtention du blanc de céruse en passant par l’identification des lessives qui « lavent plus blanc » sont-elles exactes. Je n’ai pas les moyens de vous le dire.
Mais comme Lucotte écrit un livre de vulgarisation sans passer par l’étape de la publication d’un papier scientifique dans une revue du même métal, en avançant quantité d’observations, de mesures et d’interprétations totalement inédites, je demeure à mon niveau de journaliste non spécialisé : dubitative.
Et sur le simple plan de l’analyse raisonnable, interloquée.
Admettons donc – il n’y a pas de raison a priori de mettre la sincérité de Gérard Lucotte en doute – que tous ces objets divers observés (seul ? sans une équipe ? Cela paraît impossible) sur le Linceul de Turin y soient vraiment. Visite guidée.
*• Pour Gérard Lucotte, le linge acheté par Joseph d’Arimatie était blanc à l’origine, comme l’indiquent pour lui les mots « lenzuolo candido » utilisés par saint Matthieu… en parfait italophone ? (Soyons honnêtes : ailleurs il cite les mots « sindon munda » !). Blanc puisque traité, et pourtant aujourd’hui « coquille d’œuf » comme le lin non blanchi que les brodeuses connaissent bien et dont il est difficile de retrouver la teinte écrue lorsqu’il s’éclaircit au fil des lavages : au « mieux », la toile jaunira avec l’âge, mais ce n’est pas la même chose.
• Par la suite (mais on ne suit pas toujours bien les explications successives de Lucotte), l’auteur assure que le Linceul a été blanchi à plusieurs reprises par l’application de plusieurs pigments et de plusieurs mordants pour les fixer afin de le blanchir, anciennement peut-être au blanc de céruse et récemment – après 1810 – au sulfate de baryum qu’on fabrique depuis cette date-là. Il parle de « couche picturale » dont il a donc pu voir les « résidus ».
• A côté des pigments blancs, Gérard Lucotte affirme avoir trouvé, adhérant aux fibres de lin examinées à des grossissements extraordinaires, des pigments rouges, ocre, rouille, jaunes. Vous rappelez-vous les assertions très controversées de Walter McCrone qui affirmait avoir trouvé tous ces pigments et qui en déduisait que l’image du Suaire résultait de l’application de ces pigments avec les doigts, puis – hypothèse ultérieurement formulée – par des procédés de peinture plus classiques ? Eh bien, Lucotte a trouvé, comme McCrone, de l’oxyde de fer et d’autres éléments indiquant l’existence de peintures sur le Linceul. Elles ont sans doute servi à « renforcer les taches de sang », ou à rehausser l’image, croit-on comprendre, au fil d’au moins deux pigmentations différentes.
• Passons rapidement sur la présence d’une « micro-météorite » supposée (pourquoi pas, après tout) pour arriver aux traces de terre trouvées par certains chercheurs au niveau des images des pieds et des genoux. Lucotte récuse « certains » auteurs (en note, on comprend qu’il s’agit de Daniel Raffard de Brienne) qui évoquent la présence d’aragonite, composante qui signerait la provenance du Linceul puisqu’elle est caractéristique de la région de Jérusalem. Non, non, répond Lucotte : sous la forme où elle est présente, l’aragonite du Linceul indique la présence d’un pigment blanc qui en contient. Le sol foulé par l’homme du Linceul est « quelque peu argileux », avec une « coloration rouge ou brunâtre ».
• Il y a des scientifiques qui consacrent leur vie à l’étude d’une discipline. Celle des pollens, par exemple. Gérard Lucotte n’est pas de ceux-là. Il indique avoir travaillé depuis 2007 sur les échantillons du Linceul qu’il a pu obtenir, et – à côté de ses observations sur les acariens, les pigments, les moisissures, les hématies, éléments métalliques, terreux, textiles qu’il identifie absolument tous avec âge et éventuellement procédés de fabrication – il s’est livré à l’étude critique de toutes les observations et conclusions avancées par des spécialistes antérieurs : Max Frei, aujourd’hui disparu, ou Baruch et Danin, deux universitaires israéliens qui font autorité sur la flore de leur pays et du Proche-Orient. L’étude des pollens du Linceul, nous avait-on dit au terme de publications fort sérieuses, révèle l’origine palestinienne du Linceul et indique même que le Christ a été mis au tombeau comme cela se fait encore de nos jours chez les chrétiens de la région : entouré de fleurs. Balivernes que tout cela ! Dans Vérités sur le Saint-Suaire, Lucotte assure qu’il n’a pu identifier aucun pollen de cette région-là, seulement des pollens récents d’espèces « d’origine européenne uniquement ». Et de dénoncer la pauvreté des illustrations publiées par les autres auteurs… Ce qui est une manière de les disqualifier, eux.
• Pour Gérard Lucotte, le Linceul révélerait aussi avoir été ignifugé trois fois, dont une récente, avec du mica. Il le fallait bien, puisqu’il ajoute foi, en le citant étrangement, comme s’il s’était agi de la relation d’un témoin oculaire et non de l’allégation d’une chose qu’on racontait généralement, à quelques propos d’Antoine de Lalaing, généralement peu pris au sérieux dans les milieux sindonologiques. Ce voyageur des temps jadis relate ainsi une ostension qui eut lieu en 1503 et évoque l’« ordalie » à laquelle le Linceul aurait été soumis : plongé dans l’huile bouillante, passé au feu sans brûler et sans que son image se fût altérée.
On imagine bien des chrétiens de ces années-là faisant protéger militairement la relique pour la montrer au peuple avant de la mettre au feu… Curieusement, Gérard Lucotte n’a pas trouvé dans son catalogue de restes ceux d’une friture plusieurs fois centenaire. Regrettable omission.
• En revanche il y a du soufre, et des fragments de bois d’allumettes industrielles fabriquées à partir de 1844, puisqu’après cette date on a dû « honorer » le linceul en posant des bougies dessus et en les allumant comme sur un gâteau d’anniversaire…
• Le Linceul a été lessivé et relessivé au cours de son histoire. Même avec une lessive du XXe siècle, contenant des phosphates, dont l’efficacité sur les taches visibles de sang semble quand même du coup très en deçà de ce que nous promettent, et en général nous obtiennent les fabricants…
Pardonnez mon ton trivial, mais là, Lucotte m’exaspère un peu. Ai-je vraiment besoin d’un livre sur le Saint-Suaire pour apprendre ceci ? « On peut faire sa lessive à la main, au lavoir, dans une buanderie, ou à la laverie ; à la maison la lessive peut se faire dans une lessiveuse ou dans une machine à laver (lave-linge). » (Cette citation-là est à quelques mots près tirée de l’article « eau » du blog régionaliste belcaire-pyrénées.com !)
Sérieusement, imagine-t-on qu’une relique portant la trace du très précieux Sang de notre Sauveur, serait soumise à un lavage ? C’est, comme dirait Sherlock Holmes, pire qu’impossible : improbable. Psychologiquement ahurissant. Historiquement à l’opposé de la manière dont sont conservés les vases contenant ce qui reste de miracles eucharistiques passés. Là, tout simplement, je n’y crois pas. A tort peut-être. Mais de preuves, je n’estime pas en trouver dans le livre de Lucotte.
• Mais c’est que je suis sans doute bien trop crédule quand je lis, ici ou là, dans des publications anciennes et modernes de la sindonologie, que le Saint-Suaire de Turin porte sur lui du sang, le Précieux Sang de Jésus-Christ. Pour Lucotte, venu là encore contredire bien des scientifiques et bien des recherches, il y a en effet du sang sur le Suaire, puisqu’il a vu des hématies, « rares », « isolées » anciennes et récentes. Sur les 64 hématies étudiées, seules 9 sont d’origine humaine, et elles sont « récentes », assure Lucotte. Les 55 autres sont d’origine animale, probablement de grands animaux comme le bœuf ou le cheval, dont 56 % récentes et le reste anciennes et même « très anciennes », et résultent de dépôts successifs sur le Linceul.
« Mais si c’est du sang d’animal », observe mon fils de 8 ans qui m’entend raconter cela, « alors ce n’est pas un saint suaire ! » Je ne le lui fais pas dire.
• Mais alors qu’est-ce que le Linceul – terme que Lucotte préfère à « Saint-Suaire », et on le comprend.
Eh bien, Gérard Lucotte y a trouvé, omniprésentes, partie « intégrante » du linge puisqu’adhérant à ses fibres et nichées dans ses interstices, des microbilles de silice recouvertes d’argent. Probablement une solution liquide, assure-t-il ; du nitrate d’argent (oui, il y a aussi de l’azote dans ces microbilles). Qui dit nitrate d’argent dit « argent », et « argentique », et donc « photo ». Et de renvoyer le lecteur vers un site de bricolage où l’on apprend comment fabriquer du « papier salé », procédé très ancien précurseur du daguerréotype, en rappelant que le principe de la chambre obscure était connu dès le IVe siècle av. J.-C. On apprend aussi au passage que les daguerréotypes qui nécessitent un long temps d’exposition étaient volontiers réalisés au XIXe pour « immortaliser » le doux visage d’une jeune femme morte en couches… Ou un enfant mort-né… Quant au « papier salé », selon sa durée d’exposition, on apprend qu’il peut donner une image négative, que celle-ci « se forme dans les fibres du papier » (en gras dans le texte) et se révèle dans une jolie « couleur sépia ».
Ce chapitre sur la formation de l’image est dédié à André Marion, spécialiste d’optique, membre fondateur de l’Académie d’Ufologie (science des OVNIS), avec qui Lucotte avait cosigné un précédent ouvrage sur le Linceul, et qui est mort « soudainement » l’an dernier.
*Et voilà ! Bingo ! L’énigme du Linceul est résolue ! Le Linceul est peut-être très ancien, mais de là à croire qu’il comporte une image non faite de main d’homme…
Que cherche à dire Lucotte ? Ce qu’il a vu, sans doute, mais dans un regard dont la foi est absente, et en tirant ses conclusions à lui. Et pourquoi, en vue de quoi ? Là, on entre dans un autre domaine. On sait l’homme incroyant, fasciné par les reliques du Christ, « l’Homme le plus extraordinaire, que je n’ai jamais rencontré » comme il le dit dans une étrange (auto ?)-interview à la fin de son livre. La faute de français est trop flagrante pour ne pas être voulue et significative. De même Lucotte prend-il toutes sortes de biais pour ne pas dire qu’il croit le Linceul « authentique ».
Son livre donnera sans doute lieu à des réponses scientifiques. Je ne ressens pas le besoin de les attendre pour dire, à mon modeste niveau, que ce genre… d’OVNI littéraire n’est pas de nature à promouvoir la vénération du Linceul de Turin, tout comme son livre sur la Sainte Tunique tend à ridiculiser et discréditer l’adoration de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme.
J.S.
Article paru dans Présent daté du 28 mai 2010.Source : Le blog de Jeanne Smits