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    pdf199.jpgDICI est l’organe de communication de la Maison générale de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X.

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  • L'économisme, matrice de la "pensée unique" contemporaine

    civitas2.jpgLa pensée économique libérale s’oppose à la culture, à la religion, à famille et à la nation. Elle développe son matérialisme dans l’utilitarisme, l’hédonisme et le rêve paresseux de la jouissance des biens terrestres obtenus sans efforts. Tel est le tableau dépeint dans cet article par le professeur Rousseau que nous remercions vivement de sa contribution.

    Allergique à toute prise de recul par rapport à ce qu’elle est, à toute discussion susceptible d’ébranler la croyance en sa valeur absolue, la démocratie, plus que jamais, s’adore elle-même. Défense de troubler le ronron consensuel autour du droit suprême du système, dont l’humanité rêvait depuis toujours, à s’étendre désormais à toute la planète ! Quelle est donc la racine d’une telle auto idolâtrie ? Il est aujourd’hui devenu plus aisé de le voir. Au cœur de la démocratie, les droits de l’homme, dont elle se veut la servante. Au cœur de ces droits, celui, crucial, vers lequel tous les autres montent et convergent : le droit au bonheur, c’est-à-dire le droit illimité pour l’humanité de jouir de soi de façon immanente. Rendre un tel « droit » effectif a été, ce me semble, l’objectif essentiel d’une Révolution dont les deux moments historiques successifs ne doivent pas nous faire oublier l’unité profonde. Sous le terme de « happiness » en Amérique et de « bonheur » en Europe, c’est une même réalité qui se profile : l’épanouissement purement terrestre d’un homme las de la vallée de larmes, las d’attendre d’un Dieu lointain une béatitude abstraite, réservée de surcroît à ses seuls adeptes. Un bonheur peut-être médiocre, mais sûr, mais tangible, voilà celui auquel aspire l’humanité occidentale moderne, dont les porte-voix, depuis plus de trois siècles disent tous la même chose : ce que les Montchrétien, les Locke, les Encyclopédistes, les Kant et les Constant exprimaient déjà à mots plus ou moins feutrés, un Marx le résumera en termes triviaux. Pour que les hommes soient enfin « émancipés », c’est-à-dire en possession d’eux-mêmes, il faut, écrit « L’Idéologie allemande » (1846), qu’ils soient en mesure « de se procurer nourriture et boisson, logement et habillement en qualité et en quantité complètes ». Tout le reste est littérature. Ne nous leurrons pas : croire que la Révolution démocratique moderne voulait avant tout détrôner le Législateur divin pour mettre l’homme à sa place, c’est donner trop de poids à une superbe diabolique qui est loin, en réalité, de tarauder la majorité des individus. Pour la grosse masse, c’est le confort, c’est le bien être qui sont le but, non d’en finir avec un Dieu dont notre orgueil aurait décidé soudain de ne plus supporter la concurrence. À la limite, si le Christ acceptait la « croissance » (comme l’Américanisme… et Vatican II semblent n’en point douter), il mettrait tout le monde d’accord ; l’essentiel est que la voie soit libre vers un état aussi exclusif que possible d’attente, d’effort, de tension intérieure, de sacrifice. Bref, les vrais biens – comme nous le disons crûment aujourd’hui – sont de consommation. Or ces biens sont surtout matériels ; ce sont ceux qu’une humanité intelligente et active peut donc raisonnablement espérer se procurer plus ou moins rapidement, par ses seules forces.

    Les allergies de l’économisme

    Dès lors se dessinent déjà les thèmes dont l’adoption ou le rejet logique par la mentalité contemporaine va cerner les contours du paysage culturel mondial (le P.C.M !), substitut actuel du marxisme environnemental qui prévalait encore il y a un demi-siècle. Voici, à mon avis, la matrice d’où ils procèdent. C’est le thème – rajeuni grâce à la technique – d’un passage de l’indigence à la jouissance consumériste. De Descartes au M.E.D.E.F., en passant par les Lumières, le Positivisme et le Communisme, la chanson est toujours la même : l’homme a commencé par la pénurie, écrasé qu’il était dans son enfance, par la marâtre nature ; il a appris, peu à peu à la dominer ; il finira dans l’opulence collective, récompense de son travail. On peut être libéral ou socialiste, on peut essayer d’être les deux à la fois ; impossible d’être autre chose, revenir à l’âge des cavernes étant inimaginable. S’il y a un centre de gravité de la Weltanschauung occidentale, c’est bien là qu’il se trouve : industrialistes d’instinct depuis deux bons siècles, c’est d’abord de Saint-Simon que nous sommes les disciples ! Cette obsession productiviste, qu’a-t-elle pour corollaire ?

    D’abord, la dévalorisation systématique de toutes les institutions, activités et représentations étrangères ou indifférentes à l’Économie ; ensuite, et à plus forte raison, une sourde animosité contre celles qui pourraient avoir des connotations économiques franchement négatives.

    L’appauvrissement culturel effarant du paysage contemporain relève du premier phénomène. Comment une société devenue industrialo-mercantile pourrait-elle conserver de l’intérêt pour l’art, la philosophie ou même la science ? L’agonie de l’art dès la fin du 19e est peut-être le signe le plus évident de la décadence spirituelle qui accompagne nécessairement la matérialisation des sociétés. Un second signe en est le déclin spéculatif encore plus précoce (il remonte au 18e !) d’un occident où la métaphysique et la théologie, inutiles à notre bien-être, se tarissent ensemble. Ceci pour laisser place – et c’est un troisième indice de faillite culturelle – non à un nouvel essor proprement théorétique, mais à une « techno-science » tendue vers le seul utile, dont on voit aujourd’hui les ravages. Le premier résultat de l’économisation de notre monde est donc clair : c’est le règne d’une a-culture généralisée dans laquelle communient, d’abord, le peuple et ses élites, bien d’accord pour penser que la « faculté de l’inutile »… est faite pour le rester.

    Désertification spirituelle

    Dans sa seconde dimension, le « penser mondial » apparaît comme étroitement tributaire, encore, de l’économisme. Car son contenu se constitue à partir du rejet global de réalités jadis vécues comme naturelles et légitimes mais qui, si elles devaient continuer à être reconnues aujourd’hui, mettraient la société économiste en état de dysfonctionnement. La première est la morale, dont le droit pénal, son bras séculier, partage le discrédit. Conviant l’humanité à dominer ses instincts et à faire preuve, notamment, en contrôlant ses appétits matériels, d’un minimum de tempérance, elle ne peut avoir dans l’homo-œconomicus qu’un ennemi né : comment pourrait-elle, à moins d’avaler son premier commandement, avaliser le droit de tous à tout avoir, qui sert de légitimation profonde à l’économie de masse aujourd’hui régnante ? A fortiori la religion (la religion catholique) apparaît-elle comme indésirable dans le monde économique moderne. Offrir de son temps à l’Éternité, alors que le temps, c’est de l’argent ? Croire qu’on a une vocation irremplaçable, alors que la standardisation croissante des produits, donc de la demande, est la condition de la satisfaction économique globale ? S’attacher à des dogmes immuables, alors que l’essence de la vie, dont le marché moderne n’est que la réplique, c’est de bouger sans cesse ?

    Rejet de la famille

    Allergique à la norme, tant religieuse que morale, l’économisme l’est aussi, selon la même logique, à deux autres grandes réalités, dont l’occident aimerait bien pouvoir se débarrasser. La famille d’abord, en raison de son incapacité structurelle à se plier aux nécessités d’une société économique « avancée ». Quelques contorsions qu’elle fasse pour y remédier, elle a et aura toujours contre elle deux handicaps, expliquant le discrédit dont la pensée unique la frappe. D’une part, elle nuit à la Production, dans la mesure où elle en détourne des hommes et des femmes que ses soins accaparent ; d’autre part, elle décourage la consommation : quand on mange, qu’on s’habille, qu’on habite à plusieurs, on ne fait pas vraiment travailler le commerce ! Dans un univers suréconomisé, le rejet, au moins culturel, de la société domestique n’est plus qu’une question de temps. Avec, en prime, un a priori intellectuel et sentimental de plus en plus favorable aux catégories sociales vivant de son implosion, dont les dépenses alimentent largement les caisses réunies de la banque, de l’entreprise et de la grande surface : femmes, jeunes, homosexuels, seniors émancipés, etc., tacitement complices dans le refus de toute frugalité.

    Rejet de la nation

    Le rejet du cadre national, si consensuel aujourd’hui, relève de la même logique. Pourquoi production et consommation de masse, dont la nature exclut qu’elles s’auto-limitent spontanément, devraient-elles se confiner à un territoire déterminé ? La jouissance économique n’a pas de frontières ! Au temps de Voltaire, seuls les bourgeois épicuriens étaient « cosmopolites » ; en devenant « mondialistes », les salariés modernes, leurs successeurs, ne font que démocratiser l’économisme, et le pousser à son terme.

    Rejet du ciel d’abord, rejet sur terre ensuite de toute limite et de tout enracinement sont sans doute les deux grands corollaires de la « poursuite du bonheur » : l’idéologie qui en découle dresse désormais, comme dirait Tocqueville, un cercle formidable autour de la pensée – celui d’un néo-totalitarisme occidental, dont le libéralisme et le communisme n’étaient peut-être que les prodromes inchoatifs.

    Traits constitutifs de la mentalité économiste

    Ce néo-totalitarisme est le point d’aboutissement d’une évolution sur laquelle il importe de revenir un instant, pour mieux en mesurer la perversité. Que le personnel de l’Économisme occidental ait changé au fil du temps relève de l’évidence. Entre le bourgeois ou l’ouvrier du I9e et le salarié actuel, quelle différence ! L’économisme du premier âge était encore marqué par la Transcendance dont il incarnait le rejet : il conservait, en la réfléchissant encore malgré lui, une certaine modération, une certaine timidité. L’homo-œconomicus de ce temps n’a pas contracté le culte de la superfluité vaniteuse. C’est un utile collectif plutôt fruste (symboles : la vapeur ou le rail) qu’il croit, naïvement, indispensable à son bonheur. La modestie relative de ses ambitions révèle l’influence que la tradition helléno-chrétienne exerce encore sur lui. Lorsque cet héritage est abandonné, le rejet de la Transcendance qu’il véhiculait toujours fait son œuvre : perdant toute discipline, tout contrôle, l’économisme vire à l’hédonisme radical ; il prend la forme ludico-esthétique que nous lui connaissons aujourd’hui.

    Quelles sont les dimensions principales de l’économisme « dernier cri » dont la « pensée unique » actuelle est le reflet ? J’en vois trois.

    I) La valeur des choses se mesure, d’abord, à l’intensité de la satisfaction qu’elles nous procurent ; elles ne valent que le plaisir qu’elles nous donnent. D’où une inféodation radicale – inconnue du capitalisme « classique » – de l’économie à la demande factuelle, qu’il s’agit de satisfaire à tout prix. Cette « subjectivisation » totale de l’économie (dont le résultat est la mise sur le même plan de la bière et de l’eau bénite) traduit une première manière pour l’économisme, d’en expulser la Transcendance ; car celle-ci signifie d’abord que l’homme n’est pas « mesure de toute chose » ; mais est au contraire mesuré par des normes objectives, qu’il doit reconnaître et auxquelles il doit se soumettre.

    2) La valeur des choses se mesure, ensuite, à l’immédiateté de la satisfaction qu’elles occasionnent. Il est intolérable d’avoir à attendre ! Tout, tout de suite ! Surtout pas de plantation de noyers, surtout pas d’épargne, dont les fruits ne seront peut-être jamais récoltés (la bourse, devenue instantanéiste est ici le parfait symbole d’une économie qui aspire à ne plus vivre qu’au présent). Dans cette horreur pour le « long terme », c’est évidemment un second refus de la Transcendance qui se trahit : car l’instant, que l’économisme « dernière mouture » hypostasie fiévreusement, qu’est-ce d’autre que le contraire de l’éternité, cet autre attribut essentiel de la même Transcendance ?

    3) La valeur des choses se mesure, enfin, à leur facile accessibilité, c’est-à-dire au peu de mal à se donner pour pouvoir en faire usage. Nos contemporains, à l’exception (provisoire ?) des calvinistes anglo-saxons, préfèrent de loin Rousseau à Bentham, l’Ile Saint-pierre à l’usine et au bureau. À la limite, ne plus rien faire (cf. la vague écologique) leur déplairait moins que d’avoir à travailler dur pour continuer à consommer. Les 35 heures planétaires sont devenues leur rêve ! La haine du travail, sécrétée par un monde qui est lui-même le pur produit du travail, est bien la troisième grande dimension de l’économisme actuel. Qui ne voit qu’à nouveau, et enfin, c’est la Transcendance qu’on évacue ici ? Elle ne s’offre qu’à ceux qui font, pour s’élever vers elle, un effort - dont elle est seule juge - mais dont elle sera la récompense. Aucune religion n’a jamais dispensé ses adeptes, désireux de s’attirer la grâce divine, d’une dépense minimale d’énergie…

    Ma conclusion sera brève. L’Économisme devenu aujourd’hui ouvertement subjectiviste, instantanéiste et paresseux, achève sous nos yeux de développer son essence, fondamentalement antireligieuse et particulièrement antichrétienne. On peut penser que c’est lui qui modèle la mentalité de la majorité des « civilisés » actuels, sous le contrôle diffus de la presse, de la grande entreprise, de la banque et des pouvoirs politiques complices.

    Professeur Claude Rousseau

     

    Article tiré de la revue Civitas,(version PDF)

    Institut Civitas

  • Deux ans déjà

    Il y à deux ans, jour pour jour, décédait pieusement Daniel Raffard de Brienne. Hasard mais aussi, si l'on veut, clin d'oeil du destin, le 7 juillet 2007 était aussi le jour tant attendu des catholiques de tradition, celui de la publication par Benoît XVI du Summorum Pontificum autorisant la célébration du Sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Église.

    Voici le texte en question :

    LETTRE APOSTOLIQUE
    EN FORME DE MOTU PROPRIO
    DU SOUVERAIN PONTIFE
    BENOÎT XVI
    Sur l’usage de la Liturgie romaine antérieure à la réforme de 1970


    LES SOUVERAINS PONTIFES ont toujours veillé jusqu’à nos jours à ce que l’Église du Christ offre à la divine majesté un culte digne, « à la louange et à la gloire de son nom » et « pour le bien de toute sa sainte Église».

    Depuis des temps immémoriaux et aussi à l’avenir, le principe à observer est que «chaque Église particulière doit être en accord avec l’Église universelle, non seulement quant à la doctrine de la foi et aux signes sacramentels, mais aussi quant aux usages reçus universellement de la tradition apostolique ininterrompue, qui sont à observer non seulement pour éviter des erreurs, mais pour transmettre l’intégrité de la foi, parce que la lex orandi de l’Église correspond à sa lex credendi » (1).

    Parmi les Pontifes qui ont eu ce soin se distingue le nom de saint Grégoire le Grand qui fut attentif à transmettre aux nouveaux peuples de l’Europe tant la foi catholique que les trésors du culte et de la culture accumulés par les Romains au cours des siècles précédents. Il ordonna de déterminer et de conserver la forme de la liturgie sacrée, aussi bien du Sacrifice de la Messe que de l’Office divin, telle qu’elle était célébrée à Rome. Il encouragea vivement les moines et les moniales qui, vivant sous la Règle de saint Benoît, firent partout resplendir par leur vie, en même temps que l’annonce de l’Évangile, cette très salutaire manière de vivre de la Règle, « à ne rien mettre au-dessus de l’œuvre de Dieu» (chap. 43). Ainsi, la liturgie selon les coutumes de Rome féconda non seulement la foi et la piété mais aussi la culture de nombreux peuples. C’est un fait en tout cas que la liturgie latine de l’Église sous ses diverses formes, au cours des siècles de l’ère chrétienne, a été un stimulant pour la vie spirituelle d’innombrables saints et qu’elle a affermi beaucoup de peuples par la religion et fécondé leur piété.

    Au cours des siècles, beaucoup d’autres Pontifes romains se sont particulièrement employés à ce que la liturgie accomplisse plus efficacement cette tâche ; parmi eux se distingue saint Pie V, qui, avec un grand zèle pastoral, suivant l’exhortation du Concile de Trente, renouvela tout le culte de l’Église, fit éditer des livres liturgiques corrigés et «réformés selon la volonté des Pères », et les donna à l’Église latine pour son usage.

    Parmi les livres liturgiques du Rite romain, la première place revient évidemment au Missel romain, qui se répandit dans la ville de Rome puis, les siècles suivants, prit peu à peu des formes qui ont des similitudes avec la forme en vigueur dans les générations récentes.

    C’est le même objectif qu’ont poursuivi les Pontifes romains au cours des siècles suivants en assurant la mise à jour des rites et des livres liturgiques ou en les précisant, et ensuite, depuis le début de ce siècle, en entreprenant une réforme plus générale » (2). Ainsi firent mes prédécesseurs Clément VIII, Urbain VIII, saint Pie X (3), Benoît XV et le bienheureux Jean XXIII.

    Plus récemment, le Concile Vatican II exprima le désir que l’observance et le respect dus au culte divin soient de nouveau réformés et adaptés aux nécessités de notre temps. Poussé par ce désir, mon prédécesseur le Souverain Pontife Paul VI approuva en 1970 des livres liturgiques restaurés et partiellement rénovés de l’Église latine ; ceux-ci, traduits partout dans le monde en de nombreuses langues modernes, ont été accueillis avec plaisir par les Évêques comme par les prêtres et les fidèles. Jean-Paul II reconnut la troisième édition type du Missel romain. Ainsi, les Pontifes romains se sont employés à ce que « cet édifice liturgique, pour ainsi dire, […] apparaisse de nouveau dans la splendeur de sa dignité et de son harmonie » (4) .

    Dans certaines régions, toutefois, de nombreux fidèles se sont attachés et continuent à être attachés avec un tel amour et une telle passion aux formes liturgiques précédentes, qui avaient profondément imprégné leur culture et leur esprit, que le Souverain Pontife Jean-Paul II, poussé par la sollicitude pastorale pour ces fidèles, accorda en 1984, par un indult spécial Quattuor abhinc annos de la Congrégation pour le Culte divin, la faculté d’utiliser le Missel romain publié en 1962 par Jean XXIII ; puis de nouveau en 1988, par la lettre apostolique Ecclesia Dei en forme de motu proprio, Jean-Paul II exhorta les Évêques à utiliser largement et généreusement cette faculté en faveur de tous les fidèles qui en feraient la demande.

    Les prières instantes de ces fidèles ayant déjà été longuement pesées par mon prédécesseur Jean-Paul II, ayant moi-même entendu les Pères Cardinaux au consistoire qui s’est tenu le 23 mars 2006, tout bien considéré, après avoir invoqué l’Esprit Saint et l’aide de Dieu, par la présente Lettre apostolique je DECIDE ce qui suit :

    Art. 1. Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi» de l’Église catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Église n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Église ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain.

    Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Église. Mais les conditions établies par les documents précédents Quattuor abhinc annos et Ecclesia Dei pour l’usage de ce Missel sont remplacées par ce qui suit :
    Art. 2. Aux Messes célébrées sans peuple, tout prêtre catholique de rite latin, qu’il soit séculier ou religieux, peut utiliser le Missel romain publié en 1962 par le bienheureux Pape Jean XXIII ou le Missel romain promulgué en 1970 par le Souverain Pontife Paul VI, et cela quel que soit le jour, sauf le Triduum sacré. Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre Missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son Ordinaire.

    Art. 3. Si des communautés d’Instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical ou de droit diocésain désirent, pour la célébration conventuelle ou «communautaire », célébrer dans leurs oratoires propres la Messe selon l’édition du Missel romain promulgué en 1962, cela leur est permis. Si une communauté particulière ou tout l’Institut ou Société veut avoir de telles célébrations souvent ou habituellement ou de façon permanente, cette façon de faire doit être déterminée par les Supérieurs majeurs selon les règles du droit et les lois et statuts particuliers.

    Art. 4. Aux célébrations de la Messe dont il est question ci-dessus à l’art. 2 peuvent être admis, en observant les règles du droit, des fidèles qui le demandent spontanément.

    Art. 5, § 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la Messe selon le rite du Missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’Évêque selon les normes du canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Église.
    § 2. La célébration selon le Missel du bienheureux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordinaires ; mais les dimanches et les jours de fêtes, une Messe sous cette forme peut aussi être célébrée.
    § 3. Le curé peut aussi autoriser aux fidèles ou au prêtre qui le demandent, la célébration sous cette forme extraordinaire dans des cas particuliers comme des mariages, des obsèques ou des célébrations occasionnelles, par exemple des pèlerinages.
    § 4. Les prêtres utilisant le Missel du bienheureux Jean XXIII doivent être idoines et non empêchés par le droit.
    § 5. Dans les églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles, il appartient au Recteur de l’église d’autoriser ce qui est indiqué ci-dessus.

    Art. 6. Dans les Messes selon le Missel du B. Jean XXIII célébrées avec le peuple, les lectures peuvent aussi être proclamées en langue vernaculaire, utilisant des éditions reconnues par le Siège apostolique.

    Art. 7. Si un groupe de fidèles laïcs dont il est question à l’article 5 § 1 n’obtient pas du curé ce qu’ils lui ont demandé, ils en informeront l’Évêque diocésain. L’Évêque est instamment prié d’exaucer leur désir. S’il ne peut pas pourvoir à cette forme de célébration, il en sera référé à la Commission pontificale Ecclesia Dei.

    Art. 8. L’Évêque qui souhaite pourvoir à une telle demande de fidèles laïcs, mais qui, pour différentes raisons, en est empêché, peut en référer à la Commission pontificale Ecclesia Dei, qui lui fournira conseil et aide.

    Art. 9, § 1. De même, le curé, tout bien considéré, peut concéder l’utilisation du rituel ancien pour l’administration des sacrements du Baptême, du Mariage, de la Pénitence et de l’Onction des Malades, s’il juge que le bien des âmes le réclame.
    § 2. Aux Ordinaires est accordée la faculté de célébrer le sacrement de la Confirmation en utilisant le Pontifical romain ancien, s’il juge que le bien des âmes le réclame.
    § 3. Tout clerc dans les ordres sacrés a le droit d’utiliser aussi le Bréviaire romain promulgué par le bienheureux Pape Jean XXIII en 1962.

    Art. 10. S’il le juge opportun, l’Ordinaire du lieu a le droit d’ériger une paroisse personnelle au titre du canon 518, pour les célébrations selon la forme ancienne du rite romain, ou de nommer soit un recteur soit un chapelain, en observant les règles du droit.

    Art. 11. La Commission pontificale Ecclesia Dei, érigée par le Pape Jean-Paul II en 1988 (5), continue à exercer sa mission.
    Cette commission aura la forme, la charge et les normes que le Pontife romain lui-même voudra lui attribuer.

    Art. 12. Cette commission, outre les facultés dont elle jouit déjà, exercera l’autorité du Saint-Siège, veillant à l’observance et à l’application de ces dispositions.

    Tout ce que j’ai établi par la présente Lettre apostolique en forme de Motu proprio, j’ordonne que cela ait une valeur pleine et stable, et soit observé à compter du 14 septembre de cette année, nonobstant toutes choses contraires.

    Donné à Rome, près de Saint-Pierre, le 7 juillet de l’an du Seigneur 2007, en la troisième année de mon pontificat.

    BENEDICTUS Pp. XVI
    Benoît XVI

    Notes:

    [1] PRESENTATION GENERALE DU MISSEL ROMAIN, troisième édition, 2002, n. 397.
    [2] JEAN-PAUL II, Lettre ap. Vicesimus quintus annus (4 décembre 1988), n. 3 : AAS 81 (1989), p. 899 ; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 518-519.
    [3] Ibidem.
    [4] Motu proprio Abhinc duos annos (23 octobre 1913) : AAS 5 (1913), pp. 449-450 ; cf. JEAN-PAUL II, Lettre ap. Vicesimus quintus annus, n. 3 : AAS 81 (1989), p. 899; La Documentation 86 (1989), p. 519.
    [5] Cf. JEAN-PAUL II, Motu proprio Ecclesia Dei adflicta (2 juillet 1988), n. 6 : AAS 80 (1988), p. 1498: La Documentation catholique 85 (1988), pp. 788-789.
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